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Une partie importante des recettes générées par la vente des nouveaux passeports biométriques congolais arrive dans les mains d'une proche du président Joseph Kabila et d'une entreprise belge, a rapporté jeudi l'agence Reuters au terme d'une longue enquête. Ces nouveaux passeports avaient été présentés en novembre 2015 à Kinshasa. Ils coûtent 185 dollars (175 euros), un prix très élevé - en regard notamment du pouvoir d'achat de la population en République démocratique du Congo (RDC), où le revenu annuel moyen n'excède pas 680 dollars par habitant, selon l'ONU.
D'après des documents consultés par Reuters, le gouvernement congolais ne recevrait que 65 dollars sur ce montant, soit 35% du prix.
L'essentiel des sommes versées par le citoyen congolais va directement à une petite société enregistrée à Ras el Khaïmah, dans les Emirats arabes unis (EAU), LPRS, détenue par une proche de M. Kabila, Makie Makolo Wangoi, (60 dollars) et à Semlex, une entreprise basée en Belgique, qui produit des documents de voyage (48 dollars). Douze dollars vont à une société installée à Kinshasa.
Selon Reuters, le concurrent belge de Semlex, la société Zetes, avait fait en 2014 une offre à 28,50 dollars pièce.
"Au fil du temps, les passeports biométriques à 185 dollars pourraient rapporter des centaines de millions de dollars aux sociétés LRPS et Semlex, détournant ces ressources d'un Etat instable et miné par la pauvreté", écrit l'agence de presse britannique.
Elle affirme avoir envoyé ses questions à propos de LRPS directement à Mme Wangoi par courriel, ajoutant qu'elles sont restées sans réponse.
La présidence congolaise n'a pas répondu non plus aux sollicitations, à propos du montage sur les passeports, et de l'identité du propriétaire de LRPS. De son côté, le PDG de la société Semlex, basée à Uccle, Albert Karaziwan, n'a pas souhaité faire de commentaire, ajoute Reuters.
Elle présente M. Karaziwan comme l'"un des personnages clés dans cette affaire". Le PDG de Semlex a fondé cette entreprise en 1992 et la contrôle quasi intégralement avec sa famille.
Ce Belge d'origine arménienne, né à Alep, en Syrie, intervient principalement dans les domaines des technologies et de la sécurité pour des gouvernements, en particulier en Afrique.
Les documents consultés par Reuters - dont ceux concernant les accords entre Semlex et le gouvernement, ainsi que les accords entre des individus et des entreprises impliqués dans l'opération- montrent comment la signature d'un tel contrat a été organisée.
Entre octobre 2014 et juin 2015, M. Karaziwan a eu divers échanges avec les autorités congolaises, y compris à travers des courriers directement adressés au président Kabila, d'après les documents consultés par Reuters.
Le 16 octobre 2014, M. Karaziwan a envoyé une première expertise de ce que pouvait coûter un passeport biométrique: entre 21.50 euros et 43 euros, précisant que sa société pouvait même les faire fabriquer dans sa propre usine, en Lituanie.
Au début du mois de novembre 2014, Semlex a affirmé qu'il pouvait fournir des passeports pour 50 dollars pièce, d'après des documents consultés par Reuters. Dans une lettre envoyée à M. Kabila le 13 novembre, le prix est pourtant passé à 120 dollars.
Au mois de juin 2015, M. Karaziwan, le ministre congolais des Affaires étrangères de l'époque, Raymond Tshibanda, et celui des Finances, Yav Mulang, ont finalisé l'accord.
Le contrat signé le 11 juin 2015 mentionne que 65 dollars sur les 185 dollars que coûte un passeport seront reversés à l'État congolais. Les 120 dollars restants seront reversés à un consortium - dont font partie Semlex Europe, basé à Bruxelles, Semlex Monde, installé aux EAU, l'imprimerie Semlex en Lituanie et l'entité enregistrée aux Émirats, LRPS. Ces 120 dollars ont été de nouveau répartis, selon les termes de deux autres contrats également datés du 11 juin.
D'après l'un de ces contrats, une entreprise basée à Kinshasa - Mantenga Contacto Trading Limited - s'est vu attribuer 12 dollars pour chaque passeport délivré, en échange de la mise à disposition du personnel nécessaire pour la mise en œuvre du projet.
En décembre dernier, l'agence Bloomberg avait révélé que le président Kabila et sa famille ont constitué un empire économique qui leur a rapporté "des centaines de millions de dollars".
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