mardi 29 décembre 2015

LA RDC A PERDU 17 MILLIARDS USD DEPUIS 2013: VOILA OU DISPARAIT LA FAMEUSE CROISSANCE MACRO-ECONOMIQUE DONT LE CONGOLAIS N’ONT JAMAIS PROFITE

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Le Pr Stefaan MARYSSE: « Depuis 2013, la RDC a perdu 17 milliards »

Stefaan MARYSSE, professeur belge émérite à l’Institut de politique de développement et de gestion de l’université d’Anvers et directeur de l’Expertise en Afrique centrale maîtrise les sujets liés à l’économie politique dans la région des Grands Lacs. Ses constats interpellent, surtout à propos de l’évasion des profits en secteur minier.

Est-ce que l’actuel code minier profite plus aux investisseurs étrangers qu’à l’État congolais ? Si c’est le cas, ce code est-il bon ?
Ce code minier est bon. Il faut savoir que le Congo sortait d’une période extrêmement difficile et que personne ne voulait plus investir dans ce pays. Il fallait un code minier extrêmement libéral, même si cela dépend d’un contrat à un autre. En fait, tous les contrats prévoient que l’on doit amortir le capital que l’on a investi. Pendant ce temps-là, il y a trop peu de retombées pour les taxes. On fait donc des taux de profits conséquents, mais qui ne rapportent pas assez à l’État. C’est un problème.L’autre problème c’est la concentration des rentes qui est décidée par un petit cercle dans le pays.Cela amène toujours des cercles influents de personnes qui ont accès à ces ressources. En fait, c’est aussi la base politique d’un pays parce que ce sont des négociations sur des grands contrats qui sont conclus par peu de personnes et où la transparence n’est pas la priorité. Et là vous renforcez un tout petit peu ce qu’on appelle la mauvaise gouvernance. La rente minière va ainsi dans toutes les directions, sauf au Trésor public.
Au sein de ces « décideurs » occultes il y a sans doute des Congolais associés à des étrangers ?
Bien sûr. Quand on regarde les quelques transactions qui sont bien documentées, dans différents cercles, on peut affirmer qu’il n’y a pas de corruption sans corrupteur. Et donc, dans ce jeu-là, il y a toujours des centres de décision opaques, secrètes. Peut-être que cela plaît encore au Congo. En fait, un secret au Congo n’est jamais un secret pour très longtemps. Cela fait que l’on a quand même connu une certaine publicité autour des circuits de ces ventes d’actifs.
Vous avez parlé de sociétés qui basées dans des paradis fiscaux comme les îles Vierges…
Oui, ce sont de sociétés qui sont intermédiaires. On connaît, par exemple, de sources qui sont assez fiables, comment s’est passée la vente d’actifs, par la Gécamines, de la Société minière de Kabolela et de Kipese (SMKK). Il s’agissait d’une vente de 50% à une compagnie kazakhe qui s’appelle Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Au prix du marché, ils ont payé 75 millions de dollars pour cet actif minier. Mais l’autre moitié des actions que la Gécamines avait a été vendue à deux compagnies dans les îles Vierges à 15 millions de dollars. Donc, d’un côté la Gécamines a reçu 15 millions de la part de la compagnie minière, mais les deux compagnies sont installées aux îles Vierges et on ne connaît pas le vrai propriétaire. Une fois qu’ils ont acquis cela à 15 millions de dollars, il y a eu une nouvelle vente ENRC, la compagnie kazakhe, à 75 millions de dollars. Ces deux compagnies aux îles Vierges ont empoché à peu près 60 millions de dollars comme profit. Est-ce que ce profit va revenir au Congo ? Est-ce qu’il restera à l’extérieur ? On n’en sait rien.
CES TROUS NOIRS QUI PENALISENT L’ETAT CONGOLAIS
Il y a une expression que vous utilisez volontiers. C’est « trou noir ». Qu’entendez-vous par là ?
Oui. Le trou noir c’est lorsque quelque chose disparaît sans laisser de trace et reste introuvable. Il y a une grande opacité, il n’y a pas de transparence. Cela veut dire qu’il y a un manque à gagner pour l’État congolais à cause de certaines pratiques.
Lesquelles ?
Il y a d’abord la vente d’actifs miniers. Ensuite, l’absence des dividendes que devait toucher la Gécamines et qui n’entrent pas non plus dans les caisses de l’État pour des raisons surtout liées au passé de la Gécamines qui doit se reconstituer et, donc, veut retenir cet argent pour se reconstituer.Cela doit déboucher sur quelque chose. On se demande alors si la Gécamines peut avoir deux rôles à la fois, c’est-à-dire être courtier du sol congolais pour le compte du gouvernement et en même temps devenir de nouveau un producteur. Elle ne l’a pas été dans le passé. On mise donc sur une chose dont on ne sait pas si elle va aboutir.
Le troisième volet, ce sont toutes les pratiques des grandes entreprises internationales pour dissimiler les profits. On peut le faire par différents moyens parce que ces gens-là ont toute la connaissance et l’information. Ils peuvent sous-évaluer le chiffre d’affaires, ce qui diminue les taxes. Ils peuvent surestimer, surfacturer les coûts, cela diminue le profit. Évidemment, il y a d’autres possibilités, comme le fait de faire ressortir les profits dans les pays où l’on taxe moins. Ce qui veut dire, on a calculé ensemble avec Claudine TSHIMANGA, que la rente minière qui reviendrait à l’Etat devait au moins être deux fois plus élevée que ce qu’elle est aujourd’hui. Nous croyons facilement que l’on peut arriver à trois fois la rente minière que le gouvernement touche aujourd’hui.

Vous dites qu’à cause des profits rapatriés, le pays perd depuis 2013 entre 14 et 17 milliards de dollars…

Ce qu’on voit maintenant, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), c’est qu’à partir de 2013, les rapatriements des profits sont plus grands que les nouveaux investissements qui entrent au pays et cette tendance s’amplifiera jusqu’en 2019. Et le pays perd. Si l’on prend la valeur actuelle de ces flux d’argent, il y a une perte nette de 17 milliards de dollars. Quand on le compare même avec les estimations les plus grandes d’argent que l’on a perdu dans la vente d’actifs, cette hémorragie légale des profits rapatriés pour le pays est beaucoup plus importante.

Est-ce que l’État congolais a les moyens d’inverser la tendance ?
Je crois que le problème n’est pas seulement que les grandes entreprises peuvent s’en aller. Comme le pays n’a pas un tissu d’entreprises en aval et en amont, elles ont très peu de possibilités de réinvestir l’argent au Congo. Donc, ils partent. Autre chose serait que le gouvernement, peut-être appuyé par les institutions financières internationales, peut discuter de la manière dont cette manne financière pourrait être utilisée pour le développement du pays.

Mobilisation spontanée à Lubumbashi : La foule pousse Katumbi à se présenter en 2016.

Après avoir claqué la porte du PPRD, l’ancien et dernier gouverneur du Katanga a laissé le peuple sur sa soif, Moise Katumbi Chapwe a pris tout son temps avant de se prononcer sur son avenir politique. Profitant de sa réapparition le week-end dernier à Lubumbashi dans une librairie après un long séjour à l’étranger, la foule, mobilisée spontanément autour de sa personne, a scandé des slogans et l’a poussé à se prononcer sans tarder sur sa candidature à la présidentielle de 2016.

Il est des faits indéniables sur le destin d’un homme, surtout quand celui-ci a su prouver au cours de son parcours qu’il est un leader, un meneur d’hommes et un manager. Cette assertion s’applique bel et bien à l’endroit de Moïse Katumbi Chapwe, président du TP Mazembe et dernier gouverneur de la province du Katanga.

Son parcours est des plus élogieux. Il a réussi et réalise des exploits aussi bien en affaires, dans le football qu’en politique. Dans ce dernier domaine, il a entretenu suspense après avoir démissionné de son poste de gouverneur avant de quitter le bateau battant pavillon PPRD.

L’opinion nationale et internationale piaffait d’impatience de voir l’homme de trois penaltys annoncer se couleurs quant aux échéances électorales prochaines. Il avait beau se réfugier derrière l’engagement du TP Mazembe dans les compétitions continentales et mondiales du football, la population a fini par le coincer.

L’opportunité est arrivée samedi dernier. Revenu incognito au pays après avoir accompagné son club à Osaka (Japon), Moïse Katumbi a reçu un bain de foule spontané alors qu’il faisait du shopping dans la ville de Lubumbashi. Les activités se sont -arrêtées, car tout le monde cherchait à le voir, à le toucher. Preuve s’il est encore, que sa popularité demeure intacte malgré toute la diabolisation dont il est l’objet de la part de ses anciens sociétaires du PPRD et de la MP.

Tous les témoins sont formels la foule scandait à tue- tête “Moïse, Président !“ Le message était clair, la foule le poussait à se prononcer très rapidement sur sa candidature à la présidentielle de 2016. Va- t-il le faire dans les prochains jours ou les prochaines semaines? Difficile à dire. Toutefois, son électorat disséminé à travers toute la RDC attend sa réponse. Avec impatience.

LES ATOUTS D’UN POTENTIEL PRESIDENTIABLE
Moïse Katumbi n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Le phénomène Katumbi est une construction et toutes les étapes de son parcours politique suivent une logique implacable. Dès qu’il avait mis les pieds dans l’étrier politique, Moïse Katumbi savait ou aller, où marcher afin d’avancer.

Elu député en 2006, le stratège s’est rendu compte qu’à l’hémicycle, il ne pourra pas prouver ses réelles capacités. Il s’est donc consacré à la gestion de la province du Katanga. En moins d’une année, l’homme a pu mobiliser des recettes à caractère national qui sont passées de quelques millions a un milliard USD. Le management du type privé qu’il avait instauré a fait du Katanga une province modèle de la République. Des messages existent, attestant de cette gestion différente de ce qui a toujours caractérisé les autres provinces de la RDC. Il ne se passait jamais un jour, sans qu’une inauguration ne soit enregistrée dans la capitale du cuivre.

S’étant rendu compte qu’une déviation de la ligne qu’il s’était tracée commençait à voir le jour au PPRD, il s’est refusé de se présenter aux législatives de 2011. « Il ne voulait plus se souiller», a déclaré l’un de ses proches lieutenants. Puis, il s’est déclenché en face, une machine pour le mettre à plat. Très subtilement, il a surfe entre les lignés afin de poursuivre son travail de gestion de la province et incarner l’espoir de tout un peuple. Catholique, Moïse Katumbi séduit les 40% de ceux qui se réclament de cette confession religieuse. D’ailleurs, certaines langues l’accusent de «collusion » avec les évêques! Pince sans rire. Tout simplement parce qu’il est catholique pratiquant!

La popularité de Morse Katumbi, que ses détracteurs confondent à du populisme, fait de lui l’acteur politique capable de drainer des foules à du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en passant par le centre du pays. Dans toutes les provinces, anciennes et nouvelles, des clubs, fondations ou groupes d’opinion ont été créés in tempore non suspecta. Du Katanga à la Province Orientale, du Kongo Central à l’Equateur, via les Kasaï et les Kivu, Katumbi n’a pas besoin de payer pour que les foules viennent à sa rencontre.

A l’extérieur du pays, le carnet d’adresses de l’homme d’affaires rassure quant à ses soutiens. II pourrait le mettre au service de la nation. Un énorme avantage d’autant plus que Moïse Katumbi tutoie certains dirigeants du monde, avant d’être investi du pouvoir suprême. C’est ce qui justifie toutes les distinctions et autres trophées qui ornent sa demeure. Lauréat de Blak stars of Africa en 2012, les lecteurs de Jeune Afrique l’on récemment plébiscité l’Africain de l’année 2015.

Qu’en sera-t-il une fois investi d’une légitimité populaire? Son humilité pour le bien de la République et de la nation va le propulser au devant de la scène inévitablement. La visite auprès d’Etienne Tshisekedi est la preuve que pour Moise Katumbi, il faut fédérer sans nécessairement que tout se focalise sur sa modeste personne. Ce pèlerinage de Bruxelles démontre qu’en se faisant petit, il sortira grand. Ces atouts, aucun homme politique congolais depuis 1960 ne les a alignés en lui seul, pendant une période cruciale de l’histoire du pays. Mobutu s’est illustré par la violence; mais Katumbi s’est forgé une voie, une identité, une popularité, un style et un avenir politique.

LE POTENTIEL

mercredi 23 décembre 2015

#versionfrançaise avec Laura Gonzales, architecte et décoratrice d'intér...

RDC : comment le Front citoyen 2016 compte empêcher le « glissement » du calendrier électoral.

Une manifestation d'opposition congolaise contre un éventuel troisième mandat du président Joseph Kabila, le 15 septembre 2015 à Kinshasa. © John Bompengo/AP/SIPA
À une année de la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila, des partis d’opposition et des associations de la société civile ont lancé samedi un Front citoyen 2016. Qu’en est-il vraiment et comment compte-t-il barrer la route au président congolais qui appelle à un nouveau dialogue politique ?
À Kinshasa, le bras de fer est plus que jamais engagé. D’un côté, le président Joseph Kabila et la majorité au pouvoir, plutôt favorables à un « glissement » du calendrier électoral, et de l’autre, une bonne frange d’opposition et de la société civile qui tient mordicus à la tenue des élections législatives et présidentielle dans les délais constitutionnels, soit au plus tard fin novembre 2016.
Problème : de l’avis de beaucoup d’observateurs avisés, il paraît quasi-impossible d’organiser ces scrutins dans les délais fixés par la Constitution.Toutes les échéances prévues dans le calendrier global des élections n’ont pas été tenues.
« Le pays a pris trop de retard : le fichier électoral n’a toujours pas été nettoyé, les nouveaux majeurs ne sont pas enregistrés et le financement des élections n’est pas disponible », note un expert électoral congolais, membre de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Ce qui fait dire à certains au sein de la coalition au pouvoir qu’il faudrait « entre 2 et 4 ans pour organiser de bonnes élections en RDC ».
Kabila appelle au dialogue, le Front citoyen 2016 répond élections
En attendant, que va-t-il se passer ? Joseph Kabila appelle au dialogue, notamment pour mettre en place un « processus électoral authentiquement congolais », avec des « modalités de vote peu coûteuses ». La piste d’un scrutin électronique révélée début décembre à Jeune Afrique par son conseiller diplomatique, Bernabé Kikaya Bin Karabi, a été confirmée quelques jours plus tard par le chef de l’État congolais lui-même lors de son discours sur l’état de la nation.
Mais les principaux regroupements de l’opposition boudent ce nouveau forum. Depuis le 19 décembre, ils se sont même associés avec d’autres associations de la société civile et des personnalités publiques pour lancer le Front citoyen 2016. Un « rassemblement inclusif de citoyens (…) qui [s’engage] à militer pour le strict respect de la Constitution », peut-on lire sur le communiqué annonçant la création de la plateforme.
Un « plus large regroupement socio-politique »
À quelques exceptions près, on y trouve tous les poids lourds d’une opposition congolaise en pleine métamorphose : Moïse Katumbi, dernier gouverneur de l’ex-KatangaVital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationaleFélix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Étienne TshisekediÈve Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC, parti de Jean-Pierre Bemba), Martin Fayulu, leader des Forces acquises au changement (FAC). Mais aussi des représentants d’ONG des droits humains (Asadho et Amis de Nelson Mandela notamment) et de mouvements citoyens, Lutte pour le changement (Lucha) et Filimbi qui joue un rôle de relais du regroupement en Europe.
Des discussions sont en cours pour l’adhésion du « G7 » (groupe de frondeurs éjectés de la majorité) dans ce « plus large regroupement socio-politique de l’histoire de la RDC de ces 25 dernières années », selon une source proche du dossier. Alors que l’opposition dite « républicaine » qui participe déjà au gouvernement, s’est dite favorable au dialogue préconisé par le président Kabila, le Front citoyen 2016 rassemble en effet tous ceux qui considèrent ce nouveau rendez-vous comme une manœuvre pour prolonger le bail du chef de l’État à la tête du pays.
Un front pour les élections démocratiques et l’alternance dans les délais constitutionnels 
« Nous n’avons pas constitué un front anti-dialogue mais un front pour les élections démocratiques et l’alternance dans les délais constitutionnels », souligne Yangu Kiakwama, porte-parole du collectif Filimbi. À en croire ce militant prodémocratie en exil, le Front citoyen 2016 ne se préoccupe pas de la tenue, ou non, du dialogue proposé par Kabila. « Pour nous, l’essentiel réside dans l’organisation des scrutins constitutionnellement obligatoires – les législatives et la présidentielle – avant la fin de l’année 2016 », martèle-t-il.
« C’est pourquoi le front citoyen 2016 exige que le processus électoral soit débloqué : un nouveau calendrier électoral consensuel doit être publié par la Ceni – qui doit faire son travail – au plus tard le 31 janvier 2016 et la mise à jour du fichier électoral doit commercer au plus le 10 février », rappelle Yangu Kiakwama.
Reconnaissant une « conjonction de vue » avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), même si cette dernière n’a pas adhéré à la plateforme, le Front citoyen 2016 a « fait sien l’appel lancé par la Cenco » notamment en ce qui concerne « la marche pacifique de tous les chrétiens, le 16 janvier, pour consolider la démocratie ».
En 1992, une manifestation similaire, organisée 24 ans jour pour jour pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS), avait été violemment réprimée par le régime de Mobutu. Beaucoup craignent déjà que l’histoire ne se répète sous l’ère Kabila.
Source: Jeune Afrique.

Côte d’Ivoire : 10 adresses incontournables pour sortir à Abidjan

Un club de nuit à Abidjan, en Côte d'Ivoire © Guillaume Binet/J.A.
Cinq ans après la fin de la crise, Abidjan redevient une place forte de l'art de vivre en Afrique de l'Ouest. Découverte en dix adresses incontournables.
Abidjan n’est pas qu’une. « Babi » est multiple. L’Abidjan des tours, l’Abidjan des villages, l’Abidjan des maquis ou celle de la hype… Après avoir souffert pendant plus d’une décennie, la capitale économique ivoirienne fascine depuis cinq ans par sa capacité à se réinventer. Bien sûr les grands travaux la transforment à vue d’œil, mais il y a tous ces entrepreneurs, ces restaurateurs, ces vendeurs qui façonnent des lieux de vie de plus en plus mondialisés et connectés. Jeune Afrique en a sélectionné dix, entre tradition et ultramodernité.
J.A.
1 – Le Tôa
Situé en haut de l’immeuble Massai sur la commune de Marcory, ce restaurant donne sur le troisième pont d’Abidjan. De sa terrasse, on peut observer, la nuit, le ballet de lumières des voitures qui traversent la lagune vers Cocody et le Plateau. Ambiance lounge et statues de Bouddha, musique dans l’air du temps, cigares (pour les amateurs)… La maison propose une cuisine à la fois française et asiatique, des produits frais et des cocktails aussi originaux que savoureux.
Prix moyen pour un plat et une boisson : 20 000 F CFA (environ 30 euros)
2 – Le marché d’Adjamé
Pour faire du shopping, deux solutions – d’ailleurs complémentaires : les boutiques climatisées des centres commerciaux ou les marchés immenses et ensoleillés. Parmi lesquels, évidemment, celui d’Adjamé, le plus grand (dans le nord de la ville), avec ses marchands venus des quatre coins de l’Afrique et, de plus en plus, d’Asie. Vêtements, bijoux, sacs, chaussures, électroménager, fruits et légumes, on y trouve de tout ! Pour votre première fois, faites-vous assister d’un(e) initiée pour ne pas vous perdre dans les innombrables ruelles… et pour négocier les prix.
3 – Life Star
La boîte de nuit qui reste la plus en vogue. Situé dans la commune centrale du Plateau, en bord de lagune, le Life Star, c’est un peu l’endroit où aller si l’on veut faire la fête, mais aussi… voir et être vu. La jeunesse dorée s’y presse en fin de semaine pour participer à ses soirées à thème (Fluo Night, Little Black Dress Party, etc.). Le lieu attire aussi bien les stars ivoiriennes, comme Didier Drogba, que les VIP de passage, tels Kim Kardashian ou Stromae. Prévoir quelques gros billets…
4 – Majestic Ivoire
Rouvert en juin après plus d’une décennie de fermeture, la mythique salle de cinéma (385 places) de l’Hôtel Ivoire, baptisée Majestic Ivoire, fait la part belle aux blockbusters américains, tout en promouvant régulièrement des films ivoiriens ou français. La salle est équipée pour les projections en 3D. Une première dans le pays.
Prix : 3 500 F CFA (environ 5 euros) pour les enfants, 4 000 F CFA pour les moins de 18 ans et 5 000 F CFA pour les adultes
5 – Saakan
Pour les amateurs de cuisine africaine simple et raffinée, Saakan est une évidence. La carte mêle recettes traditionnelles revisitées et créations originales : velouté de patate douce au mérou, tchep au saumon, kédjénou de pintade… Le jeune et talentueux chef Christelle Vogou, qui a fait ses classes aux États-Unis, a récemment eu les honneurs du quotidien économique The Financial Times.
Prix : entre 15 000 et 20 000 F CFA (entre 23 et 30 euros environ), pour un plat et une boisson
6 – J&H by Numero Uno
Ouvert il y a six mois, ce concept store consacré au prêt-à-porter déroute de prime abord : 1 000 m2, des étagères et des portants qui n’en finissent pas, des chaussures et des accessoires dans tous les sens… Pourtant, très vite, les fans de shopping retrouvent leurs marques préférées grâce à un personnel aussi jeune qu’attentif. La boutique, partenaire d’un « challenge mode » organisé par le site abidjanbystyle.com, décline ses looks sur Facebook.
7 – The Garden Lounge Bar & Food
Une grande pelouse agrémentée d’une dizaine de petits salons privatifs, presque en apesanteur avec leurs voilages blancs qui se déploient pour plus d’intimité. Bienvenue au Garden Lounge Bar & Food de Cocody (Deux-Plateaux). La cuisine, composée essentiellement de grillades, de hamburgers et autres snacks, est parfaite accompagnée d’un verre pour un afterwork entre amis (jusqu’à huit par bungalow) ou un petit dîner en amoureux.
Prix moyen d’un plat : 7 000 F CFA (environ 11 euros)
8 – Odena Spa & Bien-Être
Sa façade de bois, chic, épurée, donne le ton. Ici, le luxe et le calme sont de mise. Niché en plein cœur de la Zone 4, le lieu est voué au bien-être et aux bienfaits de l’eau. Sauna, bain revitalisant, gommage ou massage, une panoplie de soins permet d’échapper un temps au rythme infernal de la ville.
Prix : 50 000 F CFA (environ 76 euros) pour un « modelage suédois » d’une heure, 30 000 F CFA pour un gommage du corps de trente minutes
9 – Le comptoir des artisans
Incontournable à Abidjan, l’établissement fait partie des lieux qui font instantanément aimer Babi. Il est la dernière preuve que cette ville est en pleine effervescence. Le concept store ultramoderne consacré à l’artisanat africain expose aussi bien des sacs et des bijoux que des savons en forme de cupcakes. Le restaurant vaut aussi le détour pour un déjeuner, un goûter ou un brunch.
10 – Equinox Fitness & Spa
Equinox Fitness, c’est un concentré d’appareils de musculation, de cours collectifs de zumba, de cardio kickboxing ou d’aquagym, mais aussi des salles et des terrains destinés à de nombreux sports, du basket à la capoeira. L’immense complexe du quartier Riviera 3 séduit en outre par la flexibilité de ses horaires (de 6 heures à 22 heures, en semaine).
Prix : 50 000 F CFA (environ 76 euros) par mois ou 480 000 F CFA par an
Source: Jeune Afrique.

mardi 22 décembre 2015

RDC – Le cardinal Monsengwo : Dieu, Kabila et lui.

À Rome, le 20 novembre 2010. Ce jour-là, Benoît XVI l'a fait cardinal. © TONY GENTILE/REUTERS
Le cardinal Monsengwo, c'est bien plus qu'un homme d'Église. Révéré dans son pays, il est rangé parmi les opposants au chef de l'État. Portrait d'un homme très influent, qui a depuis longtemps renoncé à mâcher ses mots.
Ses fines lunettes à monture dorée sont dotées de verres à teinte variable, qui s’obscurcissent au soleil. À Kinshasa, où il est archevêque, comme à Rome, où il se rend tous les deux mois pour conseiller le pape, le cardinal Monsengwo passe sans cesse de la pénombre des églises à la lumière crue de la rue.
Ombre et lumière. Pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Laurent Monsengwo Pasinya a passé sa vie à la frontière – poreuse – entre ces deux univers. Malgré son tempérament réservé et sa diction lente, ce piètre orateur a réussi un parcours inégalé sur le continent. Premier Africain à obtenir un doctorat en Écritures saintes, à Rome, en 1970, il a été ordonné évêque à 40 ans, un record national de précocité. Créé cardinal par Benoît XVI en 2010, il a parfois été présenté comme « papabile ». En 2013, c’est le pape François qui l’a promu en faisant de lui l’unique Africain membre du « C9 », ce groupe restreint de neuf conseillers appelés pour l’aider dans sa réforme de la curie. Même s’il a eu, en octobre 2014, 75 ans, l’âge auquel les évêques doivent en principe proposer leur démission, Rome n’est visiblement pas pressé de lui donner congé.
Des prises de position influente
Cet homme à l’intelligence hors norme, dont les proches assurent qu’il parle quatorze langues, ne s’est pas cantonné à l’Église. Dans son pays, la RD Congo, et jusque chez certains de ses voisins, Monsengwo exerce une influence politique considérable. Autorité morale révérée, il est au cœur de plusieurs réseaux : catholique bien sûr (un pouvoir incontestable dans un pays qui compte près de 35 millions de fidèles), mais aussi politique, économique et même maçonnique, via son frère.
Il ne se prive pas, en tout cas, de s’opposer publiquement au pouvoir de Kinshasa, comme il l’a fait bruyamment en janvier 2015. La perspective d’un report de l’élection présidentielle, prévue pour 2016, et d’un maintien au pouvoir de Joseph Kabila au-delà de la limite constitutionnelle venait de jeter des centaines de jeunes dans les rues de la capitale. Les affrontements avec la police font des dizaines de morts (27 selon le gouvernement, plus de 40 selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme).
« C’est mon principal opposant », a confié Joseph Kabila il y a quelques années
Monsengwo s’en indigne : il « condamne les violences » et rappelle son hostilité « à toute révision constitutionnelle et à toute modification de la loi électorale ». Le moins que l’on puisse dire c’est que Joseph Kabila, un protestant entouré de pasteurs, goûte peu les sorties du prélat. « C’est mon principal opposant », a-t-il confié il y a quelques années à un ministre européen de passage.
Un parcours qui a fondé ses convictions d’aujourd’hui
Entre Monsengwo et le pouvoir politique, c’est une longue histoire passionnelle qui prend ses racines dans son enfance. Comme Nelson Mandela chez les Xhosas, Laurent Monsengwo est issu d’une famille de chefs coutumiers sakata. Lorsqu’il voit le jour à Mongobele, en 1939, dans l’ouest de ce qui est encore le Congo belge, ses parents règnent sur le territoire de Kutu, dans l’actuelle province du Mai-Ndombe (dans l’ex-Bandundu). Sa fratrie est élevée pour diriger : son frère aîné conduit aujourd’hui la chefferie, et Joseph N’Singa, un « oncle » (au sens coutumier) de Monsengwo, a été premier commissaire d’État, de 1981 à 1982 – l’équivalent d’un Premier ministre dans la nomenclature du dictateur Mobutu Sese Seko.
Quant à sa cousine germaine, feu Lily Kaniki, elle a eu deux enfants avec le président du Congo-Brazzaville : Claudia et Denis Christel. Monsengwo traverse encore régulièrement le fleuve pour rendre visite à Denis Sassou Nguesso. « Nous nous voyons pour parler des problèmes familiaux et échanger sur la situation politique africaine et mondiale », explique le cardinal.
En 1980, l’Église catholique est alors la seule organisation indépendante structurée sur l’ensemble du territoire et se pose en véritable contre-pouvoir à Mobutu
Lorsqu’il est ordonné évêque, en 1980, l’Église catholique entretient déjà un rapport conflictuel avec le pouvoir de Kinshasa. Elle est alors la seule organisation indépendante structurée sur l’ensemble du territoire et se pose en véritable contre-pouvoir à Mobutu. En prise directe avec un peuple qui ploie sous l’autoritarisme, la corruption et la pauvreté, elle porte ses frustrations. Le maréchal ne cessera d’ailleurs de tenter de l’affaiblir. En vain.
Représentant de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) auprès du gouvernement, Monsengwo occupe cette interface, pleine de frictions, entre le gouvernement et l’Église. « Mon rôle était de tendre la corde sans qu’elle ne cède », confie-t-il aujourd’hui à Jeune Afrique. Cette maxime, Monsengwo l’aura finalement appliquée à chacun de ses nombreux bras de fer avec le pouvoir.
Ses bras de fer avec le pouvoir
Le premier date de 1992. Emporté par la vague de démocratisation qui déferle sur l’Afrique, Mobutu vient d’accorder le multipartisme, et la Conférence nationale souveraine voit le jour pour gérer la transition. À l’époque, Monsengwo est le président d’une Cenco restée au-dessus de la mêlée politique. Il est donc naturellement désigné pour diriger la Conférence nationale, laquelle est très vite suspendue par un Mobutu peu désireux de quitter la présidence. Le bas clergé catholique appelle ses fidèles à descendre dans les rues après la messe du 16 février. C’est « la marche des chrétiens ». Elle est réprimée dans le sang.
Tendre la corde sans qu’elle ne cède… Monsengwo, lors de cet épisode, laisse faire les abbés contestataires, mais n’appelle pas lui-même à manifester. Refuse-til, lui l’homme d’Église, d’avoir des morts sur la conscience ? Sait-il les limites de ce que Rome serait prêt à accepter ? « Si Monsengwo avait été courageux, il aurait pu déposer Mobutu et mettre fin définitivement à son régime beaucoup plus tôt », veut croire un diplomate européen autrefois en poste à Kinshasa. « L’épiscopat n’avait pas pour mission de renverser Mobutu, rétorque Monsengwo. Mais si le laïcat l’avait fait, nous ne nous y serions pas opposés. »
Nouveau bras de fer en 1994 : la Conférence nationale est désormais un Parlement de transition, et Monsengwo est toujours à sa tête. Étienne Tshisekedi, désigné Premier ministre par le Parlement, refuse tout compromis avec le pouvoir mobutiste – et inversement. Le gouvernement est paralysé. C’est alors que se dessine une « troisième voie », qui obtient le soutien – au moins tacite – de Monsengwo : celle deLéon Kengo wa Dondo. Tshisekedi est renvoyé à sa chère opposition, Mobutu reste à la présidence, Kengo accède à la primature et Monsengwo conserve la tête du Parlement.
Grzegorz Galazka/SIPA
Aujourd’hui, Monsengwo dément être intervenu en faveur de Kengo. « J’étais en retraite à Lourdes, assure-t-il. J’ai suivi sa désignation par la presse. » Il confirme toutefois porter une « grande amitié » à l’actuel président du Sénat : « Nos relations, qui s’étendent d’ailleurs à nos familles, remontent aux années 1980. Nous échangeons souvent sur la situation du pays sans que, pour autant, nous ayons les mêmes positions sur tout. » Lors des émeutes de janvier, les deux hommes ont, en tout cas, été sur la même ligne : sans soutenir ouvertement les manifestants, ils ont dénoncé la répression et réclamé le retrait du projet de loi qui les avait mis dans la rue.
Mais la relation entre Kengo et Monsengwo est une exception. De ses années au Parlement de transition dans les années 1990, le cardinal a conservé une piètre image des hommes politiques congolais. « Il les voit comme cupides et totalement irresponsables », assure un opposant qui a plusieurs fois négocié avec lui. « Chez les gouvernants, l’appétit de pouvoir est une drogue, avait confié Monsengwo au quotidien catholique français La Croix en 2011. J’en sais quelque chose : malgré moi, je l’ai pratiqué pendant six ans ! Quand vous y êtes, il faut beaucoup d’esprit des béatitudes pour ne pas succomber à la tentation de modifier la Constitution pour rester en poste. »
J.A.
« L’esprit des béatitudes » aidant, Monsengwo quitte finalement la présidence du Parlement en 1996 et retourne prêcher à Kisangani. C’est là, sur la rive du fleuve Congo, à plus de mille kilomètres de Kinshasa, qu’il assiste au renversement de Mobutu par Laurent-Désiré Kabila. Mais la politique le rattrape : lors de la deuxième guerre du Congo (1998-2002), la cité vit un martyre, et Monsengwo une expérience traumatisante. « L’archevêché a été pris d’assaut par les rebelles du RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie] soutenus par les pays voisins », raconte le père Roger Gaise, recteur de l’université de l’Uélé (Nord-Est), auteur de plusieurs ouvrages sur Monsengwo. « Pour s’en sortir, le cardinal a dû se déguiser en vieil homme et quitter les lieux par une porte dérobée. »
Ses rapports avec Joseph Kabila
Faut-il voir dans cet épisode les origines de son nationalisme ? Ce sentiment se manifeste en tout cas en 2006, à la veille des élections. Bien vu des Occidentaux, Joseph Kabila est le grand favori du scrutin. Craignant que le président sortant ne soit imposé par l’étranger, Monsengwo appelle à un « dialogue » et à un report de l’élection – une prise de position qui paraît alors hostile à Kabila. Inquiète, l’ONU envoie une délégation pour rassurer ceux qui, comme lui, doutent de la transparence du vote. « Compte tenu de son influence, jusqu’au dernier moment nous avons eu très peur qu’il désavoue l’élection », se souvient l’un de ses membres. Monsengwo se laisse finalement convaincre. Le scrutin le plus transparent de l’histoire du pays se tient et couronne Kabila.
Marco Longari/AFP
On ne peut pas en dire autant de celui de 2011. À l’issue d’une élection d’une désorganisation inouïe, Kabila est réélu sans majorité absolue, grâce à une suppression du second tour opportunément adoptée quelques mois plus tôt. Le désormais cardinal Monsengwo condamne le résultat officiel avec une formule restée célèbre : cette élection, dit-il, n’est conforme « ni à la vérité ni à la justice ». Mais l’homme d’Église n’ira pas plus loin. Comme sous Mobutu deux décennies plus tôt, il tend la corde sans qu’elle ne cède. Il « tousse », comme il le dit en privé, mais ne va pas jusqu’à la confrontation.
En ira-t-il autrement lors des prochains mois ? En 2020, il aura atteint la limite d’âge des cardinaux électeurs et aura sans doute quitté son archevêché. La bataille politique qui s’annonce, en 2016, est donc pour lui la dernière occasion d’exercer son influence.
Ses relations tendues avec Joseph Kabila ne laissent guère de place au doute : Monsengwo est opposé à tout scénario qui aboutirait à son maintien au pouvoir au-delà de 2016. Cependant, il n’entretient qu’une relation distante avec Étienne Tshisekedi. Fervent catholique, Moïse Katumbi, ex-gouverneur du Katanga passé à l’opposition, trouve peut-être davantage grâce à ses yeux. Généreux mécène, ce dernier a récemment financé la construction d’une église dans le quartier Lido-Golf, à Lubumbashi, et les deux hommes affichent la même exigence de strict respect de la Constitution.
Le poids de l’Église
Monsengwo jettera-t-il pour autant tout le poids de l’Église catholique dans ce combat ? Le pourra-t-il ? C’est un fait que celle-ci, bien que confrontée à l’émergence des Églises protestantes, reste très influente : près de la moitié des Congolais lui sont fidèles. Quant au clergé, ses membres n’ont pas tous des positions aussi tranchées que celles du cardinal vis-à-vis du chef de l’État, mais ils le suivent pour l’instant.
Le 24 novembre, l’épiscopat congolais s’est fendu d’une déclaration virulente qui rappelle cette injonction de la loi fondamentale : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu […] qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la Constitution. » Cette déclaration, cosignée par Monsengwo, appelle les chrétiens à une marche pacifique le 16 février prochain pour commémorer la marche des chrétiens de 1992. Le bras de fer a commencé.

FRANÇOIS KANIKI, LE FRÈRE BIENVEILLANT
Moins connu que Monsengwo, François Kaniki, son frère cadet, est néanmoins influent. Homme politique et homme d’affaires, il est né le 15 janvier 1954. Diplômé en droit, il démarre sa carrière dans les hautes sphères de l’État en 1987, lorsque Mobutu le nomme avocat général. Il occupe ensuite des fonctions dans différents ministères. En 1990, il devient le président exécutif de la filiale congolaise du groupe français Bolloré – poste qu’il occupe encore aujourd’hui.
Dans les années 2000, Kaniki rejoint le Mouvement de libération du Congo (MLC) de l’opposant Jean-Pierre Bemba, actuellement détenu à La Haye, aux Pays-Bas. Mais c’est en tant que candidat indépendant qu’il est élu au Sénat, en 2007. Il y siège toujours. Comme son frère, il est lié familialement à Denis Sassou Nguesso. Et comme le président du Congo, il est franc-maçon.
Kaniki n’hésite pas à intervenir contre ceux qui menacent les intérêts de la famille. En 2014, il a saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication pour un article diffamatoire écrit par un journaliste de Congo News sur Monsengwo et sa famille. Une plainte a été déposée dans la foulée (Kaniki affirme qu’il n’y est pour rien). Elle vaudra à l’auteur onze mois de détention.

Source: Jeune Afrique. Publié le 22 décembre 2015 à 08h19

jeudi 17 décembre 2015

RDC : à quoi servent les drones de la Monusco ?

Un drone de la Monusco a Goma. © Alain Wandimoyi / AP / SIPA
Un drone de la Monusco s'est à nouveau écrasé ce mercredi matin dans le nord-est de la RDC, portant à trois le ombre de crashs. Alors que l'ONU vient d'annoncer l'envoi de drones au Soudan du Sud, le bilan de l'efficacité de ces engins en RDC est plutôt mitigé.
Le drone est irrécupérable. Mercredi à l’aube, un aéronef sans pilote de la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monusco) s’est écrasé près de Bunia, dans le nord-est du pays. L’appareil de reconnaissance sans pilote est tombé « à 3 kilomètres après la piste d’atterrissage », a précisé le lieutenant-colonel Martin Amouzoun, porte-parole militaire de la Monusco, lors de la conférence hebdomadaire de l’ONU.
« Nos troupes sont allées sur le terrain et les investigations sont en cours » pour déterminer l’origine du crash, a-t-il ajouté. L’incident, qui s’est produit dans une zone inhabitée, n’a pas fait de mort ou de blessé. Mais selon des photos prises par l’armée congolaise peu après l’incident, et que Jeune Afrique a pu consulter, il n’y a pas rien à sauver : on découvre un appareil disloqué, plusieurs pièces calcinées, certaines encore fumantes.
Des drones depuis 2013
C’est le troisième crash d’un drone de la Monusco : le premier s’est déroulé en janvier 2014 et le second en octobre de la même année, sans faire de victime. Ces appareils sont officiellement entrés en action début décembre 2013 à Goma, capitale de l’instable province du Nord-Kivu, lors d’un vol inaugural historique : jamais auparavant une force de maintien de la paix de l’ONU n’avait recouru à l’usage de tels engins.
Les drones doivent principalement mener des vols de reconnaissance pour renforcer la prise de renseignement des Casques bleus sur les nombreux groupes armés de l’Est. Après les trois accidents, il reste encore des drones en état de vol, mais impossible d’en dévoiler le nombre pour des raisons opérationnelles, confie Félix Basse, porte-parole civil de la Monusco qui s’exprimait auparavant sur les questions militaires.
Trop bruyant pour du renseignement furtif
Interrogé sur la plus-value des drones, un haut-responsable militaire congolais se montre très critique. Cet appareil ne « répondait pas aux critères de renseignement furtif », car il était trop bruyant, et « aucune image n’était partagée avec les autorités congolaises ». En outre, « Le trafic d’armes n’a pas stoppé, le trafic de ressources naturelles (minerais, bois…) n’a pas été dissuadé ».
Félix Basse juge pour sa part que les drones offrent un « apport significatif » à la Monusco, puisqu’ils lui permettent d’avoir une « liberté d’action et de prendre des décisions à temps ».
Réussites militaire et humanitaire
Il en veut notamment pour preuve deux événements qui se sont produits fin novembre. Sur le plan humanitaire, il raconte qu’un drone a permis de repérer rapidement une embarcation qui avait fait naufrage sur le lac Kivu, ce qui a facilité l’arrivée des secours et aidé la Monusco à « sauver une dizaine de vies humaines ».
Quant au volet militaire, il revient sur les attaques simultanées meurtrières menées dans la région d’Eringeti, au Nord-Kivu, par de présumés rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). « Les drones nous ont permis de suivre ce groupe, de le repérer, d’identifier une zone bien précise, ce qui nous a permis d’engager la riposte dès le lendemain : nos hélicoptères d’attaque ont pu entrer en action pour engager ce groupe. »
Source: Jeune Afrique

mercredi 16 décembre 2015

Situation en RDC, Katumbi et TP Mazembé : interview sans concession de Cécile Kyenge.

Cécile Kyenge

Pour la députée européenne par ailleurs ex-ministre italienne de l’intégration, l’Etat de droit en RDC n’est pas respecté. Preuve en est, le harcèlement dont sont victimes les opposants de tous bords. Interview exclusive pour Afrik.com.

Afrik.com : Vous avez condamné l’attitude des Pouvoirs publics en RDC qui ont empêché, le 2 décembre dernier, la tenue d’un échange entre les supporters du TP Mazembe et leur Président, Moise Katumbi. Pourquoi une telle prise de position de votre part ?
Cécile Kyenge : En refusant l’accès des supporters dans l’enceinte du stade du TP Mazembe pour assister à l’entraînement de leur équipe favorite, pire en les dispersant par des gaz lacrymogènes, les forces de l’ordre congolaises ont commis plusieurs violations. La première est celle d’avoir violé une propriété privée – car le stade de cette équipe n’appartient pas à l’Etat congolais, mais à Monsieur Katumbi ; plus grave, en utilisant la force de manière disproportionnée, la police nationale congolaise a enfreint des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression ou encore le droit des supporters du TP Mazembe - qui sont des citoyens congolais - de se réunir pour manifester leur joie auprès des joueurs du club dans un contexte purement sportif et d’échanger avec le président du club. Il ne s’agissait pas d’une manifestation politique. Il est tout aussi incroyable que les policiers aient empêché les joueurs et Monsieur Katumbi d’accéder au stade. En agissant de cette façon, l’Etat congolais donne clairement l’impression de vouloir tout contrôler, et ce de manière indiscriminée. Qu’est-ce qui justifie le recours à des gaz lacrymogènes contre des supporters qui ne demandaient qu’à soutenir les joueurs d’une équipe qui débutait sa phase de préparation en vue du Mondial des clubs ? Dans cette histoire, je ne pense pas que l’Etat congolais en sorte vainqueur, bien au contraire.
Êtes-vous inquiète au sujet de la situation des droits de l’Homme et du respect des libertés fondamentales aujourd’hui en RDC ?
Je suis bien évidemment inquiète de la situation des droits de l’Homme et du respect des libertés fondamentales dans ce pays. Et je ne suis pas la seule. Dans un communiqué de presse conjoint daté du 12 février 2015, la rapporteure spéciale de l’Union Africaine (UA) sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique, Reine Alapini-Gansou, et le rapporteur spécial sur les prisons et conditions de détention en Afrique, le commissaire Med Kaggwa, avaient déjà fait part de leur grande préoccupation face à la détérioration de la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo à la suite des manifestations survenues en janvier. Lors de la mission que le groupe des Socialistes et Démocrates européens avait effectuée, en avril dernier, en RDC, nous avions demandé au gouvernement congolais de mener une enquête crédible et transparente sur la découverte des corps retrouvés dans la fosse commune de Maluku, à proximité de Kinshasa. Cette demande a été réitérée par le Parlement européen à travers une résolution adoptée en juillet.
« Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir jouer dans une compétition officielle qui comprend des équipes comme le Barcelone de Lionel Messi ou un club historique comme le River Plate. J’ai suivi de près le Mondial des clubs en soutenant avec ferveur le TP Mazembe. Je tiens à complimenter le président du club, Moise Katumbi, pour avoir investi autant dans cette équipe qui fait la fierté de la RDC »
Mais depuis, qu’est-ce qui a été fait ? Rien, ou presque. Cette épisode n’est pas un fait isolé. Le dernier rapport publié par Amnesty International, en novembre, fait état de militants et responsables politiques congolais arrêtés et soumis à des détentions prolongées dans l’illégalité la plus totale. Le 28 novembre dernier, douze personnes ont été arrêtées à Goma lors d’une manifestation organisée par la LUCHA. Lors de la dernière Journée internationale des droits de l’Homme célébrée le 10 décembre, Human Rights Watch a dénoncé ces arrestations arbitraires, demandant la libération de toutes les personnes détenues pour leurs opinions politiques ou pour leur participation à des activités politiques pacifiques. C’est triste à dire, et vous pouvez en imaginer les raisons, mais en RDC, l’Etat de droit n’est pas respecté.
Certains évoquent une volonté de la part du Président Joseph Kabila de rester en fonction au-delà du terme prescrit par la Constitution. Compte tenu du contexte actuel, pensez-vous que l’élection présidentielle pourra se tenir, comme prévu, fin 2016 ?
En janvier 2015, le Président Kabila s’était publiquement engagé à faire respecter le calendrier électoral et la Constitution, qui interdit sa candidature aux élections présidentielles pour briguer un troisième mandat. Le groupe des Socialistes et Démocrates européens et moi-même demandons à ce que ces engagements soient respectés. Par ailleurs, la Communauté internationale, y compris le Parlement européen, s’est exprimée à maintes reprises sur la nécessité de soumettre un agenda électoral en ligne avec ce qui était prévu et de ne pas violer la Constitution.
Le TP Mazembé dispute actuellement la Coupe du monde des clubs au Japon. Avez-vous un mot d’encouragement à adresser aux joueurs ?
Nous savons que les conditions dans lesquelles les joueurs du TP Mazembe ont préparé ce Mondial des clubs n’ont pas été optimales. Dans toute manifestation sportive, il y a des vainqueurs et des perdants, l’important c’est que la valeur du sport et du jeu soit respecté. Le simple fait que le TP Mazembe ait réussi à participer à une compétition aussi prestigieuse mériterait un remerciement chaleureux à tous les joueurs, le staff technique et le président du club. Les Congolais, voire les Africains, devraient être fiers de cette équipe, car c’est la deuxième fois qu’elle réussit à participer à ce Mondial. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir jouer dans une compétition officielle qui comprend des équipes comme le Barcelone de Lionel Messi ou un club historique comme le River Plate. J’ai suivi de près le Mondial des clubs en soutenant avec ferveur le TP Mazembe. Je tiens à complimenter le président du club, Moise Katumbi, pour avoir investi autant dans cette équipe qui fait la fierté de la RDC.

MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015 / PAR ADRIEN SEYES

mardi 15 décembre 2015

Seyni Nafo : « Après la COP21, la vitesse de déploiement des énergies vertes en Afrique va doubler »

Seyni Nafo, la voix du continent pour la COP 21 © OLIVIER POUR J.A.
Pour le Malien Seyni Nafo, porte-parole du groupe africain à la COP21, la conférence internationale de Paris sur le climat qui s'est soldée par un accord le 12 décembre, tout n'est pas parfait mais la cause des États africains vis-à-vis du changement climatique et de la transition énergétique a été entendue. L'accord de Paris doit entrer en vigueur en 2020.
Jeune Afrique : Un accord permettant de limiter la hausse des températures à 1,5°C, c’est ce que les chefs d’États africains appelaient de leurs vœux à l’ouverture de la COP21 qui s’est achevée samedi à Paris. Mission accomplie ?
Seyni Nafo : C’est un bon accord parce qu’il prend en compte le contexte spécifique aux États africains et met en avant une responsabilité commune et différenciée vis-à-vis des enjeux climatiques. 
Trois objectifs principaux le définissent : limitation de la hausse des températures bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et tout faire pour ne pas aller au-delà des 1,5°C. Cet objectif d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, cher aux Africains, apparaît donc nommément dans l’accord. 
Les deux autres volets principaux portent sur l’adaptation, c’est-à-dire l’augmentation de la capacité des communautés à s’adapter aux changements climatiques, et sur le financement, soit la mise enœuvre de flux financiers à la hauteur de la transition vers une économie verte.
Ce sont les trois objectifs essentiels de l’accord de Paris sur lesquels 195 États, pays développés et pays en développement, se sont mis d’accord. C’est réellement historique. Kyoto n’était qu’un protocole sur l’atténuation (réduire de 5 % entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990) et l’effort était limité aux seuls pays développés.
En ce qui concerne le financement du changement climatique, l’accord de Paris “demande fermement” aux pays développés d’amplifier leurs aides financières pour atteindre “un plancher” de 100 milliards de dollars en 2020. Quelle part ira à l’Afrique ?
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays développés allouent pour l’heure 62 milliards de dollars annuellement à la finance climatique. Malheureusement, il n’existe pas pour l’heure de comptabilité commune sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Néanmoins, on sait que trois quarts de ce financement vont à l’atténuation, le reste à l’adaptation. Or l’Afrique ne représente que 2,3 % des émissions de gaz à effet de serre et capte donc une part marginale de ces fonds.
On estime ainsi qu’entre 2 et 5 milliards de dollars, en fonction du périmètre retenu, vont annuellement à des États africains. Nous aurions souhaité qu’un objectif chiffré soit affecté à la hausse de l’adaptation dans le total de la finance climat. Nous ne l’avons pas obtenu. Nous continuerons de porter le sujet lors de la COP de Marrakech.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime les besoins africains d’adaptation au changement climatique de 7 à 15 milliards de dollars par an d’ici 2020…
À l’horizon 2020, nous espérons voir doubler le montant des ressources affectées à l’Afrique. Les États-Unis, par exemple, se sont déjà engagés à doubler leurs financements en faveur de l’adaptation des pays en développement. Ils passeront de 400 à 800 millions de dollars par an. Mais, globalement, les objectifs d’adaptation demeurent encore flous dans la rédaction de l’accord de Paris.
J’ai bon espoir que le sujet du doublement de la part de l’adaptation dans la finance climat sera en haut de la pile durant la COP22 de Marrakech en novembre 2016 et qu’il finira par passer.
Certainement ! Le G7, l’Union européenne et la Suède se sont engagés pour l’installation de 10 gigawatts de nouvelles capacités de production d’énergie verte d’ici 2020. Un “pipeline” de 20 gigawatts de projets est d’ores et déjà prêt. Aujourd’hui, ce sont 1 000 mégawatts (1 gigawatt) d’énergies vertes qui sont déployés chaque année en Afrique.
Avec ce nouvel accord, la vitesse de déploiement d’énergies vertes va être multipliée par deux au moins. Dès janvier ou février, une réunion aura lieu à la Banque africaine de développement (BAD) pour déterminer les différents outils et les canaux financiers de ce nouvel effort en faveur des énergies vertes africaines.
En ce qui concerne la prise en compte spécifique des pays les plus vulnérables dans l’allocation de la finance pour le climat, les pays africains auraient aimé une mention spécifique au même titre que les Pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires. Cela n’est finalement pas été le cas. Pourquoi ?
Cela a été un point d’achoppement et nous savions le sujet difficile comme nous n’étions pas les seuls à réclamer cette mention. Nous avons opté pour une formulation qui permet de prendre en compte l’ensemble des parties sans nécessairement faire une liste détaillée.
Le concept de « pertes et préjudices » – le changement climatique auquel on ne peut déjà plus s’adapter – est soutenu par les États africains aux côtés des petits États insulaires. Quelque chose de nouveau a-t-il été obtenu sur ce sujet ?
La gestion des pertes et préjudices avait fait l’objet d’un mécanisme dédié lors de la COP19 de Varsovie en 2013. Il figure à nouveau dans l’accord de Paris, qui prévoit la création d’un centre d’échange d’informations sur le transfert des risques pour améliorer leur gestion dans chaque pays.
C’est un sujet sensible, au sujet duquel les pays en développement pourraient s’attendre à une forme de compensation.
Quelles sont les premières échéances d’ici à la COP22 de Marrakech ?
Un comité des chefs d’État de l’Union africaine (UA), début 2016, donnera des instructions en ce qui concerne la prochaine COP. Il y a aussi la clarification des composantes des 10 milliards de dollars annoncés en faveur des énergies vertes en Afrique. Enfin, une réunion des ministres africains de l’environnement aura lieu en mars.
Source: Jeune Afrique