mardi 15 décembre 2015

Seyni Nafo : « Après la COP21, la vitesse de déploiement des énergies vertes en Afrique va doubler »

Seyni Nafo, la voix du continent pour la COP 21 © OLIVIER POUR J.A.
Pour le Malien Seyni Nafo, porte-parole du groupe africain à la COP21, la conférence internationale de Paris sur le climat qui s'est soldée par un accord le 12 décembre, tout n'est pas parfait mais la cause des États africains vis-à-vis du changement climatique et de la transition énergétique a été entendue. L'accord de Paris doit entrer en vigueur en 2020.
Jeune Afrique : Un accord permettant de limiter la hausse des températures à 1,5°C, c’est ce que les chefs d’États africains appelaient de leurs vœux à l’ouverture de la COP21 qui s’est achevée samedi à Paris. Mission accomplie ?
Seyni Nafo : C’est un bon accord parce qu’il prend en compte le contexte spécifique aux États africains et met en avant une responsabilité commune et différenciée vis-à-vis des enjeux climatiques. 
Trois objectifs principaux le définissent : limitation de la hausse des températures bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et tout faire pour ne pas aller au-delà des 1,5°C. Cet objectif d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, cher aux Africains, apparaît donc nommément dans l’accord. 
Les deux autres volets principaux portent sur l’adaptation, c’est-à-dire l’augmentation de la capacité des communautés à s’adapter aux changements climatiques, et sur le financement, soit la mise enœuvre de flux financiers à la hauteur de la transition vers une économie verte.
Ce sont les trois objectifs essentiels de l’accord de Paris sur lesquels 195 États, pays développés et pays en développement, se sont mis d’accord. C’est réellement historique. Kyoto n’était qu’un protocole sur l’atténuation (réduire de 5 % entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990) et l’effort était limité aux seuls pays développés.
En ce qui concerne le financement du changement climatique, l’accord de Paris “demande fermement” aux pays développés d’amplifier leurs aides financières pour atteindre “un plancher” de 100 milliards de dollars en 2020. Quelle part ira à l’Afrique ?
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays développés allouent pour l’heure 62 milliards de dollars annuellement à la finance climatique. Malheureusement, il n’existe pas pour l’heure de comptabilité commune sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Néanmoins, on sait que trois quarts de ce financement vont à l’atténuation, le reste à l’adaptation. Or l’Afrique ne représente que 2,3 % des émissions de gaz à effet de serre et capte donc une part marginale de ces fonds.
On estime ainsi qu’entre 2 et 5 milliards de dollars, en fonction du périmètre retenu, vont annuellement à des États africains. Nous aurions souhaité qu’un objectif chiffré soit affecté à la hausse de l’adaptation dans le total de la finance climat. Nous ne l’avons pas obtenu. Nous continuerons de porter le sujet lors de la COP de Marrakech.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime les besoins africains d’adaptation au changement climatique de 7 à 15 milliards de dollars par an d’ici 2020…
À l’horizon 2020, nous espérons voir doubler le montant des ressources affectées à l’Afrique. Les États-Unis, par exemple, se sont déjà engagés à doubler leurs financements en faveur de l’adaptation des pays en développement. Ils passeront de 400 à 800 millions de dollars par an. Mais, globalement, les objectifs d’adaptation demeurent encore flous dans la rédaction de l’accord de Paris.
J’ai bon espoir que le sujet du doublement de la part de l’adaptation dans la finance climat sera en haut de la pile durant la COP22 de Marrakech en novembre 2016 et qu’il finira par passer.
Certainement ! Le G7, l’Union européenne et la Suède se sont engagés pour l’installation de 10 gigawatts de nouvelles capacités de production d’énergie verte d’ici 2020. Un “pipeline” de 20 gigawatts de projets est d’ores et déjà prêt. Aujourd’hui, ce sont 1 000 mégawatts (1 gigawatt) d’énergies vertes qui sont déployés chaque année en Afrique.
Avec ce nouvel accord, la vitesse de déploiement d’énergies vertes va être multipliée par deux au moins. Dès janvier ou février, une réunion aura lieu à la Banque africaine de développement (BAD) pour déterminer les différents outils et les canaux financiers de ce nouvel effort en faveur des énergies vertes africaines.
En ce qui concerne la prise en compte spécifique des pays les plus vulnérables dans l’allocation de la finance pour le climat, les pays africains auraient aimé une mention spécifique au même titre que les Pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires. Cela n’est finalement pas été le cas. Pourquoi ?
Cela a été un point d’achoppement et nous savions le sujet difficile comme nous n’étions pas les seuls à réclamer cette mention. Nous avons opté pour une formulation qui permet de prendre en compte l’ensemble des parties sans nécessairement faire une liste détaillée.
Le concept de « pertes et préjudices » – le changement climatique auquel on ne peut déjà plus s’adapter – est soutenu par les États africains aux côtés des petits États insulaires. Quelque chose de nouveau a-t-il été obtenu sur ce sujet ?
La gestion des pertes et préjudices avait fait l’objet d’un mécanisme dédié lors de la COP19 de Varsovie en 2013. Il figure à nouveau dans l’accord de Paris, qui prévoit la création d’un centre d’échange d’informations sur le transfert des risques pour améliorer leur gestion dans chaque pays.
C’est un sujet sensible, au sujet duquel les pays en développement pourraient s’attendre à une forme de compensation.
Quelles sont les premières échéances d’ici à la COP22 de Marrakech ?
Un comité des chefs d’État de l’Union africaine (UA), début 2016, donnera des instructions en ce qui concerne la prochaine COP. Il y a aussi la clarification des composantes des 10 milliards de dollars annoncés en faveur des énergies vertes en Afrique. Enfin, une réunion des ministres africains de l’environnement aura lieu en mars.
Source: Jeune Afrique

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