mardi 3 novembre 2015

Comment Pierre Castel a fait fortune en Afrique


INTERVIEW. Numéro 3 mondial du vin et numéro 2 de la bière en Afrique, Pierre Castel lève le voile sur son aventure africaine, qui lui a permis de devenir la 10e fortune française.

Que représente l’Afrique pour vous ?
C’est toute ma vie. J’ai vite compris le potentiel de ces pays neufs. Ce que j’ai acheté en France, je l’ai eu grâce à l’Afrique. Nous sommes un groupe africain car ce continent représente 90 % de notre activité. Et sur nos 28.000 salariés, il n’y a que 150 expatriés. J’y suis allé alors que personne n’y croyait et j’ai misé sur la bière qui se vend bien, avec des marques nationales fortes. Je m’en suis bien sorti.
Vous êtes en position dominante dans de nombreux pays. Comment l’expliquer?
Le rachat de BGI (Brasseries et Glacières Internationales) en 1990 a été déterminant. Notre taille a alors été multipliée par six. Nous avons acquis des positions dominantes et depuis nous les défendons. Et j’ai toujours voulu éviter les emprunts. La rentabilité de nos opérations nous a permis de nous développer sans endettement, contrairement à d’autres groupes.

Les liens tissés avec les chefs d’Etat vous aussi ont aidé…
Je les connais tous, ça aide. Les Africains sont reconnaissants quand vous les soutenez. Aucun ne m’a trompé. Mais il y a une règle : il ne faut pas avoir de casserole, ni être pris dans des malversations. Au Gabon, ma rencontre avec Omar Bongo, alors secrétaire à la présidence a été importante. A l’époque, il m’avait présenté au président Léon M’Ba, qui voulait créer une brasserie dans son pays et ne plus dépendre du Cameroun voisin. Ils m’ont donné un terrain de la présidence et j’ai démarré.
Mais vous avez connu des mésaventures comme en Angola, d’où vous avez dû partir…
Oui. Pendant la guerre d’indépendance, j’avais essayé de pousser les Portugais et les partis angolais à négocier. Sans succès. Et avec l’arrivée des Cubains, à la fin des années 70, nous avons été obligés de quitter le pays. Mais dix ans plus tard, le président Dos Santos m’a rappelé pour que je reprenne une brasserie. Et aujourd’hui, nous avons une position largement dominante.
Partagez-vous l’enthousiasme actuel des investisseurs pour le continent noir?
Non, il est illusoire. Il y a une forte croissance démographique mais sans les revenus en conséquence. La croissance repart mais elle était tellement basse…Le potentiel est réel mais les gouvernants doivent beaucoup plus investir dans l’agriculture, qui a été délaissée. Et chaque fois que je les vois, j’insiste pour qu’ils s’occupent de l’habitat qui est souvent très dégradé.  
Face aux Chinois, les entreprises françaises perdent du terrain. Est-ce inquiétant?
Cela ne durera pas. Les Chinois arrivent à conquérir des marchés grâce à des prix bas, des capacités financements et des pots de vin distribués aux gouvernants. Et pour réaliser leurs travaux, ils utilisent une main d’oeuvre chinoise. Les Africains n’en profitent pas.
Pourquoi avez-vous quitté la France, en 1981, pour la Suisse où vous résidez?
J’ai toujours eu peur des socialistes. Financièrement et économiquement, la France devient dangereuse. Lorsqu’on vous prend plus de 50% de vos revenus, vous ne pouvez pas l’accepter. D’ailleurs, le bouclier fiscal était une bonne mesure. Mais je suis Français et j’investis beaucoup en France avec l’argent gagné en Afrique.
Thierry Fabre
Source: challenge.fr

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